Qu’est-ce que la fatigue mentale ?
Définition de la fatigue mentale
La fatigue mentale est « un état psychobiologique causé par la réalisation prolongée d’activité cognitive exigeante (réflexion, concentration) et caractérisée par une sensation subjective d’épuisement et de manque d’énergie » [1].
La fatigue mentale est un phénomène complexe qui altère les performances cognitives [2] (le traitement de l’information, la prise de décision), mais également les performances physiques et motrice (ex : précision du geste) [3].
La fatigue mentale à un impact négatif principalement sur les performances des sports d’endurance (intensités sous-maximales) tel que le triathlon.
L‘impact négatif de la fatigue mentale sur la performance en endurance est due à une perception de l’effort (RPE) plus importante qu’à la normale.
Les causes de la fatigue mentale dans le sport amateur et de haut niveau
Plusieurs sources peuvent expliquer l’apparition de la fatigue mentale chez les sportifs :
- L’engagement des médias (sollicitations, interviews)
- Le travail et les études (l’attention et le travail de la mémoire)
- Les tâches répétitives (faire des choses qui se répètent et qui sont lassantes)
- Les pensées à propos des questions sportives (des questionnements de réussite ou d’échec)
- La sur-analyse (questionnement sur l’organisation d’avant course)
- L’environnement instable (l’acclimatation à de nouveaux sites de compétition)
La fatigue mentale se développe avec l’accumulation de ces différents facteurs du sport de haut-niveau. L’expérience et la personnalité de l’athlète sont aussi des facteurs qui contribuent à la sensibilité de l’apparition ou non de la fatigue mentale [4].
La présence de fatigue mentale peut faire son apparition après 30 minutes d’effort cognitif (une ou de plusieurs tâches en même temps) [5].
Le modèle d’étude scientifique de la fatigue mentale dans les sports d’endurance
La fatigue mentale peut apparaître avant ou pendant un entraînement ou une compétition lorsque l’individu est soumis à un effort cognitif.
Dans les études scientifiques qui évaluent l’impact de la fatigue mentale sur la performance, l’outil le plus utilisé pour induire une fatigue mentale chez les athlètes est la réalisation du « test de Stroop » [6]. Ce test est réalisé en amont de la tâche sportive et dure généralement 30 minutes.
L'objectif de ce test est de dénommer le plus rapidement possible la couleur chaque mot inscrit sur le document sans faire d'erreur :
Figure 1 : Stroop Test
Les études dans le domaine des sports d'endurance ont donc principalement étudié l’impact de la fatigue mentale lorsqu'elle est induite avant la réalisation d'un d’effort et non pas pendant l'effort.
Généralement le type d'effort en endurance proposé aux athlètes était un contre la montre d'une durée allant de 10 à 30 minutes.
Avant, pendant et après le protocole, les scientifiques relevaient différentes variables physiologiques ainsi que des données relatives à la psychologie du sport (questionnaires sur l'humeur, la motivation, la fatigue mentale).
Figure 2: Exemple de modèle d'étude scientifique de l'impact de la fatigue mentale sur la performance en endurance
Les conséquences de la fatigue mentale
Les conséquences de la fatigue mentale sur les performances physiques
En condition de fatigue mentale, la perception de l’effort est plus importante. Une augmentation de la perception de l’effort a pour conséquence de faire ressentir à l’athlète la séance plus dure qu’elle ne l’est réellement. Donc, plus l’effort cognitif est élevé plus l’effort est perçu comme difficile ce qui engendre une réduction de l’effort physique et donc une baisse de la performance sportive (baisse de la puissance et/ou de la vitesse de course) [5].
En revanche, la fatigue mentale n’a pas d’effet négatif sur :
- Les variables physiologiques tels que la fréquence cardiaque, la lactatémie et la consommation d’oxygène.
- La force maximale, la puissance ou les efforts anaérobies (très courts).
Les conséquences de la fatigue mentale sur l’humeur, le comportement et le traitement de l’information
La fatigue mentale provoque des changements également au niveau comportemental [4] :
- Une augmentation du désengagement dans l’exercice ou dans l’effort ;
- Une baisse de motivation et de l’enthousiasme ;
- Une augmentation de la présence des émotions ou leur retrait ;
- Une diminution de la discipline et de l’attention au détail ;
- Une baisse du niveau de concentration.
Les conséquences de la fatigue mentale en triathlon
Il a été montré que la fatigue mentale altère les performances dans les sports d’endurance (effort en contre la montre) aussi bien en natation, en course à pied et en cyclisme :
Induire une fatigue mentale avant la réalisation d’une épreuve de natation de 1500m altère les performances des nageurs (étude réalisée pour de jeunes nageurs) [7].
Le même constat est réalisé en course à pied, où la fatigue mentale augmente la perception de l'effort et entraîne une baisse des performances en course (étude réaliser chez des athlètes d’expériences) [8].
Les cyclistes débutant, amateurs [9] ou néo-pro (U23) [10] fatigués mentalement au préalable peuvent eux aussi présenter une baisse des performances et une augmentation plus rapide du RPE pendant un contre la montre de 20km ou d’un effort de 30min.
En revanche, une étude a montré que les cyclistes professionnels présentent une plus grande résistance aux effets négatifs de la fatigue mentale. Ces résultats suggèrent que le contrôle inhibiteur (résister à la distraction et/ou réguler ses actions émotionnelles) et la résistance à la fatigue mentale peuvent contribuer à la performance en cyclisme sur route. Ces caractéristiques psychobiologiques semblent être d’origine génétique et/ou développées grâce à l’entraînement et au mode de vie des cyclistes professionnels [11].
Dans le cadre d’un triathlon, une fatigue mentale induite en amont d’un entraînement ou d’une compétition altère les performances des triathlètes et plus particulièrement lorsque qu’il s’agit d’effort constant (ex : cyclisme sans drafting). En effet, en présence de fatigue mentale, le triathlète est amené à réduire sa vitesse de course ou la puissance qu’il développe. Toutefois, les études scientifiques nous montrent que la stratégie d’allure reste la même, seul le niveau d’intensité baisse.
Les résultats intéressant sur les cyclistes professionnels suggèrent un impact positif de l’entraînement en endurance sur l’habileté à résister à l’impact négatif de la fatigue mentale sur la performance en endurance.
Comment réduire la fatigue mentale pour être performant ?
Les stratégies pour réduire la fatigue mentale à l’entraînement
Plusieurs stratégies permettent de réduire la fatigue mentale [4]:
- Périodiser l’entraînement avec des contenus variés pour éviter la monotonie ;
- Eviter les activités qui demande de faire attention à son comportement (ex : les médias) ;
- Structurer les tâches pour éviter la répétition ;
- Prioriser la récupération mentale en plus de la récupération physique (exercices de relaxation) ;
- Fournir un environnement stable (équipe soudée et qui perdure dans le temps) ;
- Développer sa capacité à faire face à la fatigue mentale lors des entraînements.
S’entraîner en situation de fatigue mentale
L’hypothèse d’augmenter la performance en endurance en ajoutant une tâche cognitive lors des entraînements semble être une possibilité à étudier et à vérifier au niveau scientifique.
Cependant, pour les entraîneurs sur le terrain, il serait envisageable d’essayer d’augmenter la charge cognitive pendant les séances d’entraînement afin d’habituer l’athlète à subir une fatigue mentale pendant l’effort :
Exemple :
- Séance de natation et calcul mental (ex : en lien avec le nombre de longueurs, les coups de bras etc…)
- Séance de home trainer et réalisation du Test de Stroop pendant 30 minutes.
- Séance de course à pied et réflexion
Les stratégies pour réduire la fatigue mentale en compétition de triathlon
Il est possible de minimiser la charge cognitive durant les compétitions à l’aide de stratégies mise en place en amont [5]. Voici quelques stratégies qui peuvent être appliquées avant un triathlon :
- Réduire les sollicitations cognitives avant course : téléphone, bruits, multitâches etc…
- Repérer le parcours pour ne pas avoir à trop anticiper ou y réfléchir.
- Organiser l’avant course en amont pour ne pas avoir à y réfléchir le jour même (trouver le lieu, prendre son dossard, gérer les horaires).
- Visualiser la course pour savoir ce que l’on va faire.
- Réduire les distractions autour de soi avant la course.
- Automatiser ses techniques dans l’air de transition pour ne pas avoir à y penser pendant la course.
L’utilisation de la caféine avant la compétition
Dans une étude réalisée en cyclisme, l'ingestion de caféine (5 mg/kg) a permis augmenter d'environ 14% les performances en endurance lorsque les cyclistes étaient fatigués mentalement. Cet effet s'est accompagné d'une tendance à l'amélioration de l'humeur (la vigueur). Par conséquent, l'ingestion de caféine avant la course peut favoriser un effet bénéfique sur les performances en endurance chez des triathlètes fatiguées mentalement [12].
Conclusion
Chez les triathlètes, la fatigue mentale résulte de l'entraînement, de la compétition en combinaison avec d'autres stress liés au mode de vie.
La façon dont les triathlètes gèrent la fatigue mentale est très importante pour leur performance, d’autant plus en ce qui concerne les compétitions de haut-niveau, où les résultats sont déterminés par de très petites marges de différence. Une réduction de la fatigue mentale peut avoir un impact significatif sur les performances en compétition [13].
Ainsi, éviter les efforts cognitifs avant l'entraînement et les compétitions pourrait améliorer les performances des athlètes amateurs et de haut niveau.
Les prochains travaux sur la fatigue mentale doivent permettre d’identifier des stratégies pour améliorer la capacité des athlètes à répondre aux exigences mentales d'un entraînement à volume élevé.
Références
1. Boksem, M.A.S.; Tops, M. Mental fatigue: Costs and benefits. Brain Research Reviews 2008, 59, 125–139, doi:https://doi.org/10.1016/j.brainresrev.2008.07.001. 2. Boksem, M.A.S.; Meijman, T.F.; Lorist, M.M. Mental fatigue, motivation and action monitoring. Biological Psychology 2006, 72, 123–132, doi:https://doi.org/10.1016/j.biopsycho.2005.08.007. 3. Marcora, S.; Staiano, W.; Manning, V. Mental fatigue impairs physical performance in humans. Journal of applied physiology (Bethesda, Md. : 1985) 2009, 106, 857–64, doi:10.1152/japplphysiol.91324.2008. 4. Russell, S.; Jenkins, D.; Rynne, S.; Halson, S.L.; Kelly, V. What is mental fatigue in elite sport? Perceptions from athletes and staff. European Journal of Sport Science 2019, 19, 1367–1376, doi:10.1080/17461391.2019.1618397. 5. Van Cutsem, J.; Marcora, S.; De Pauw, K.; Bailey, S.; Meeusen, R.; Roelands, B. The Effects of Mental Fatigue on Physical Performance: A Systematic Review. Sports Med 2017, 47, 1569–1588, doi:10.1007/s40279-016-0672-0. 6. Stroop, J.R. Studies of interference in serial verbal reactions. Journal of Experimental Psychology 1935, 18, 643–662, doi:10.1037/h0054651. 7. Penna, E.M.; Filho, E.; Wanner, S.P.; Campos, B.T.; Quinan, G.R.; Mendes, T.T.; Smith, M.R.; Prado, L.S. Mental Fatigue Impairs Physical Performance in Young Swimmers. Pediatr Exerc Sci 2018, 30, 208–215, doi:10.1123/pes.2017-0128. 8. MacMahon, C.; Schücker, L.; Hagemann, N.; Strauss, B. Cognitive Fatigue Effects on Physical Performance During Running. Journal of Sport and Exercise Psychology 2014, 36. 9. Pires, F.O.; Silva-Júnior, F.L.; Brietzke, C.; Franco-Alvarenga, P.E.; Pinheiro, F.A.; de França, N.M.; Teixeira, S.; Meireles Santos, T. Mental Fatigue Alters Cortical Activation and Psychological Responses, Impairing Performance in a Distance-Based Cycling Trial. Frontiers in Physiology 2018, 9, 227, doi:10.3389/fphys.2018.00227. 10. Filipas, L.; Gallo, G.; Pollastri, L.; La Torre, A. Mental fatigue impairs time trial performance in sub-elite under 23 cyclists. PLOS ONE 2019, 14, 1–13, doi:10.1371/journal.pone.0218405. 11. Martin, K.; Staiano, W.; Menaspà, P.; Hennessey, T.; Marcora, S.; Keegan, R.; Thompson, K.G.; Martin, D.; Halson, S.; Rattray, B. Superior Inhibitory Control and Resistance to Mental Fatigue in Professional Road Cyclists. PLoS One 2016, 11, e0159907, doi:10.1371/journal.pone.0159907. 12. Azevedo, R.; Silva-Cavalcante, M.D.; Gualano, B.; Lima-Silva, A.E.; Bertuzzi, R. Effects of caffeine ingestion on endurance performance in mentally fatigued individuals. European Journal of Applied Physiology 2016, 116, 2293–2303, doi:10.1007/s00421-016-3483-y. 13. Russell, S.; Jenkins, D.; Smith, M.; Halson, S.; Kelly, V. The application of mental fatigue research to elite team sport performance: New perspectives. J Sci Med Sport 2019, 22, 723–728, doi:10.1016/j.jsams.2018.12.008.
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